Catherine Chastagner

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Mais que se passe-t-il donc dans le cerveau de nos ados ?

03/03/2021

Mais que se passe-t-il donc dans le cerveau de nos ados ?

Combien de parents se sentent démunis face aux comportements de leur ado, bien différent de quand il était enfant !  Mais que se passe-t-il donc de spécifique dans le cerveau à cet âge-là ? D'intenses modifications qui montrent que l'adolescence n'est pas qu'un concept sociologique mais bel et bien une période de transition entre l'enfance et l'âge adulte. La forte maturation du cerveau à cet âge peut être mis en lien avec les comportements spécifiques comme une recherche de la nouveauté, de la récompense et du plaisir, l'augmentation des comportements à risque,  et le risque d'addiction.

Les progrès des techniques non invasives d'observation du cerveau comme l'IRM et IRM fonctionnel, ont permis de confirmer que le cerveau adolescent n'est pas un cerveau adulte en miniature ! Il possède des spécificités anatomiques et fonctionnelles marquées : en gros, le cerveau vit une très forte restructuration et réorganisation entre la puberté et 25 ans.

 

A la pré-puberté : 

C'est un processus qui débute à la pré-puberté. En 1999, une recherche sur une multitude d'enfants du même âge suivis au cours de leur croissance montre qu'à la pré-puberté, le volume des lobes frontaux (devant) et pariétaux (au dessus) augmente, pour culminer vers 10 ans chez les filles et 12 ans chez les garçons. Depuis, de nombreuses autres études ont montré que le volume de matière grise augmente, avec une forte croissance des connexions entre les neurones (via les synapses qui servent à la communication entre les neurones).

 

Pour rappel,  on distingue dans le système nerveux la substance (ou matière) grise et la substance blanche. La première est formée des corps cellulaires des neurones, des dendrites et des axones non myélinisés. La seconde est constituée essentiellement d'axones myélinisés – la myéline étant une sorte de gaine entourant les axones et accélérant la transmission de l’influx nerveux. La substance grise est principalement située, au niveau du système nerveux central, dans le cortex et les noyaux gris centraux. La substance blanche occupe le reste de l’espace cérébral : elle relie les différents aires et noyaux constitutifs de la substance grise et assure la circulation de l’information entre les centres cérébraux.

 

A partir de la puberté : 

A partir de la puberté et jusqu'à 23/25 ans, on constate une destruction massive de synapses au sein des différentes aires cérébrales, ce qui entraîne une forte réduction du volume de substance grise. Il s'agit d'élagage synaptique, les synapses servant à transmettre les messages entre les neurones dans le système nerveux. L'élagage, comme la taille des arbres, consiste à couper et réduire des ramifications trop nombreuses et inutiles. Ainsi, les connexions synaptiques les plus sollicitées sont conservées ; celles qui servent peu ou pas  sont éliminées . L’élagage aboutit à simplifier localement l’organisation synaptique, avec un gain d’efficacité du fonctionnement cérébral. On parle parfois de "perdre des neurones", c'est ce qui se passe pendant cet élagage, mais cela ne rend pas "plus bête" comme on l'entend parfois, en fait, le cerveau se spécialise dans des connections moins nombreuses mais plus efficaces. L'élagage est étroitement associé à la phase d'apprentissage et au développement neurocognitif.

 

D'autre part, la substance blanche connaît un fort développement dans le cerveau à l'adolescence (croissance qui continue de façon linéaire jusque vers 40 ans). Cela accroit la connectivité et la synergie entre les différentes aires cérébrales. Ainsi l'adolescent mobilise des circuits cérébraux plus localisés alors que l'adulte mobilise simultanément des régions dispersées.

 

Donc, l'élagage synaptique s'accompagne d'une synergie et d'une connectivité plus forte, et permet au cerveau, à travers l'interaction avec l'environnement, de se spécialiser.

 

Mais cet élagage ne se fait pas de façon synchronisée dans toutes les parties du cerveau.

- Les régions préfrontales connaissent les plus importantes modifications à l'adolescence. Elles sont impliquées dans les tâches de haut niveau appelées fonctions exécutives : elles sont essentielles pour la régulation du comportement face à des contextes complexes ou nouveaux. Les principales fonctions exécutives sont la flexibilité mentale, la planification, le contrôle et la régulation de l'action (la capacité à intégrer de l'information nouvelle pour mettre à jour de la mémoire de travail et la capacité d’inhibition c'est à dire se retenir). Le cortex préfrontal n'achève sa maturation que vers 23/25 ans. 

- le système limbique a une maturation plus rapide : Il intervient dans la dynamique et le contrôle du comportement des émotions (plaisir, peur, agressivité). Il participe aussi au circuit du plaisir (système de récompense). On le désigne souvent comme le cerveau émotionnel; il joue aussi un rôle majeur dans les apprentissages et la mémoire.

 

Ce déséquilibre de maturation entre le cortex préfrontal (système de contrôle) d'une part et le système limbique et le circuit de la récompense (centre émotionnel) d'autre part est une des principales hypothèses des neuroscientifiques pour expliquer les comportements adolescents. Ils rechercheraient la nouveauté-plaisir malgré un danger potentiel fort, du fait d'un système de récompense fort, d'un système d'évitement de la douleur faible, et d'un système de supervision inefficace. 

 

Un autre point de vue voit au contraire les comportements exploratoires de l'adolescent comme nécessaires car contribuant à organiser la sélection des comportements et intérêts et donc peut-être des connexions qui seront conservées.

 

L'adolescence peut être vue du point de vue de la déficience : moins de contrôle émotionnel, mais aussi de façon plus positive : l'adolescent est capable d'une forme de créativité et d'adaptabilité que ne possède pas l'adulte !

 

Des questions

le fait que les plus grands risques sont pris en présence des pairs n'a pas encore trouvé d'explications neurobiologiques satisfaisantes. Alors que vers 16 ans, la plupart des ados sont capables de raisonner abstraitement, d'évaluer le sens et la conséquence des actes à froid, lors de tensions émotionnelles ou d'influence des pairs ce n'est plus le cas ! C'est un des sujets actuels de recherche en neurosciences, sans hypothèses explicatives satisfaisantes pour le moment. 

 

Parallèle avec la petite enfance : 

Ce processus de fortes créations de connexions synaptiques suivi d'un élagage est bien connu chez le bébé, chez qui il aboutit, au début de l'enfance à une première organisation fonctionnelle du cerveau. Ce qui est nouveau, c'est la découverte que ce remodelage se reproduit à l'adolescence. Ainsi le cerveau se réorganise à cette période en fonction de nouvelles contraintes comme la maturité sexuelle et les nouvelles règles sociales via l'interaction avec l'environnement.  C'est donc vraiment une période de transition entre l'enfance et l'âge adulte, au niveau du cerveau aussi. cette proximité de l'adolescent avec le bébé est intéressante, et permet de comprendre l'adolescent opposant mais fragile, dépendant mais aussi plein de potentialités de changements (avec aussi les risques qu'ils peuvent contenir du fait de la fragilité).

C'est également intéressant, car si ce processus de reproduit à l'adolescence, il est aussi capable de se répéter à d'autres moments clés de l'existence, lors de changements internes et externes majeurs.

 

L'adolescence s'arrête-t-elle à 18 ans ?

Ces découvertes montrent que le cerveau devient mature, adulte autour de 23/25 ans. Comment penser et nommer alors cette période entre 18 et 25 ans ? L'EmètAnalyse la nomme Adulescence, période de 18 ans à environ 25 ans où le jeune s'appose à ses parents (contrairement à l'adolescent qui se pose en s'opposant).  Cela le temps de continuer d'acquérir son indépendance affective et financière, pour devenir adulte, et si possible Sujet : savoir se soutenir de son désir tout en tenant compte de l'autre.

 

Quelques sources , pour aller + loin : 

Dayan, J., & Guillery-Girard, B. (2011). Conduites adolescentes et développement cérébral : Psychanalyse et neurosciences. Adolescence, 77(3), 479. https://doi.org/10.3917/ado.077.0479

Georgieff, N. (2013). L’adolescence à l’épreuve de la neurobiologie ? Adolescence, T.31 1(1), 185. https://doi.org/10.3917/ado.083.0185

Neurosciences et responsabilité de l'enfant : http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2019_0090_note_neursociences.pdf