Catherine Chastagner

07.82.17.27.14

Le piège des parents parfaits : ces erreurs que nous faisons par amour !

24/06/2021

Le piège des parents parfaits : ces erreurs que nous faisons par amour !

Ce XXIème siècle est marqué par une recherche des parents pour éduquer autrement leurs enfants, de façon différente de ce qu'ils ont eux mêmes vécu, avec un centrage sur les désirs de l'enfant. Ce changement de siècle annonce bien un changement de posture, qui se manifeste par une période de tâtonnement, une recherche de repères, à inventer et à s'approprier. Ce changement de paradigme n'est pas simple, et des pièges pavés de bonnes intentions attendent de nombreux parents, qui cherchent à être de très bons parents :  tout donner pour leur enfant, les (sur)protéger, ne pas vouloir faire de différence entre leurs enfants... 

Surprotection

La famille connaît des bouleversements de repères ces quarante dernières années, avec un soutien intergénérationnel qui s’est éloigné, des situations familiales où les parents sont plus seuls et isolés qu’autrefois. La famille nucléaire est la base dans les sociétés occidentales modernes, là où ailleurs, une communauté plus large prend en charge l’enfant. Un proverbe africain dit « il faut tout un village pour élever un enfant » ! Ce rétrécissement du réseau communautaire et familial fragilise l’éducation avec un risque plus élevé en cas de perte de ces figures parentales moins nombreuses.

De plus, les liens sont fragiles dans les couples et les familles, des liens moins durables qu’auparavant. Pour Philippe Scialom, psychologue , « le seul lien qui reste durable et sûr est celui qui relie l’enfant à sa mère », c’est pourquoi ce dernier est surinvesti. Le mouvement se fait donc vers la surprotection, pour contrebalancer « la fragilité du lien et l’angoisse de perte ». Ce mouvement favorise l’apparition de pathologies du lien ou pathologies de la dépendance, dominées par l’angoisse de séparation ou d’abandon, ce qui amène les parents à une difficulté à poser les limites, dans la crainte de faire souffrir l’enfant en le frustrant. Cela s’enracine dans une croyance qu’en mettant des limites, le « lien d’amour qui unit » risquerait d’être détérioré. De plus, la société aujourd’hui est plus exposée aux images de violence, de génocides, de traumatismes, qui favorisent l’anxiété et fragilise la confiance dans le lien humain qui n’est alors plus un appui stable, et favorisent également le mouvement vers la surprotection. 

 

maman

Des parents parfaits

Donald Winnicott , psychiatre des années 1980, parlait de "mère suffisamment bonne" pour son enfant, qui répondait à ses besoins lorsque son nouveau né les exprimait. Mais elle laissait le nouveau né s’exprimer (par ses pleurs qui sont un proto langage), ne répondait pas avant, n'anticipait pas tous ses besoins. Des parents parfaits sont des parents qui veulent être très bon, et non seulement suffisamment bons, faire tout pour que leur enfant aille bien, réussisse, ait tout ce qu’il lui faut, etc…  c’est là qu’est le piège !

L'enfant se construit dans les manques, le manque suscite le désir (d’avancer, d’apprendre). L'enfant qui n'a aucun manque n'a plus de désir, d'élan intérieur qui le pousse. De plus, en tant que parent, c'est un fantasme de croire pouvoir tout maitriser, construire un homme comme on aimerait qu'il soit… mais les enfants ne sont pas les nôtres, Ils sont ceux que la vie nous confie pour les élever (au sens noble) et qu’ils nous dépassent.

 

Des parents suffisamment bons

Il s'agit d'être des parents suffisamment bons et donc suffisamment "c . ." ! Un parent parfait n'est pas dépassable, et l'enfant ne se sentira jamais "à la hauteur". A l'adolescence notamment, l'ado a besoin de pourvoir sortir du cercle familial, dépasser ses parents, construire sa propre vie. Comment se poser en s’opposant avec de tels parents ? être assez parfaits pour eux ? les décevoir après tout ce qu’ils ont fait pour moi ? De même, des parents qui se sont sacrifiés pour leur enfant créent une dette impossible à rembourser, ce qui maintient l'ado ou le jeune adulte dans une culpabilité écrasante, et dans une loyauté enfermante. 

 

Comment en sortir ?

Quelles sont les racines à la surprotection ou au désir d'être un parent parfait ? La peur, la culpabilité, la volonté de tout maîtriser, le fait que le parent n'ait pas d'autre désir que dans son enfant ... Il s'agit d'aider les parents à régler leur seuil d'alerte à ce qui pourrait advenir : si leur seuil pour réagir à une souffrance de l’enfant est réglé trop bas, le risque est la surprotection et l’anticipation excessive qui amènerait une dépendance et empêcherait l’enfant de développer ses propres défenses ; si le seuil est trop élevé, cela mènerait à une conduite abandonnique aussi catastrophique . Une deuxième étape est de favoriser les différenciations : différencier amour et éducation, souvent confuses du fait de la peur des parents que leur enfant souffre ; différencier également en séparant psychiquement l’enfant de ses parents : se séparer c'est grandir ! (grandir pour l'enfant et pour le parent). Pour cela le tiers qu'est la crèche, l'école, les activités sportives ... aide.

Il s'agit de saisir les occasions de se séparer, d'aller vers l'autonomie. Ce sont aussi des lieux de résilience, où l'enfant apprend à se fortifier. Cela revient à ne pas enlever les cailloux de leur chemin (sans pour autant en rajouter).

Expliquer la nuance entre des parents trop bons et des parents suffisamment bons (et donc suffisamment décevant) aide à sortir de la culpabilité et à s’approprier alors le tâtonnement nécessaire à l’éducation d’un enfant, de reprendre confiance en ses compétences de parents et dans les compétences de son enfant à se développer. Dans des situations où l’enfant a un trouble, ce dernier peut être amplifié par l’anxiété des parents ; un coaching parental peut alors aider alors les parents à trouver la bonne distance, suffisamment rassurante, encourageante, tout en n’empiétant pas sur la nécessaire prise d’autonomie de l’enfant à gérer ou compenser son trouble. Le parent apprend alors à confronter son enfant à la réalité, à le laisser prendre plus de risques ce qui augmente sa résilience .

 

 

Bienveillance

La bienveillance c'est veiller au bien de soi d’abord et de l’autre ensuite, à court et à long terme. L'enfant apprend (et doit apprendre) à faire avec le désir de l’autre, enjeu de cette période de l’enfance, apprentissage du lien social.  Etre un parent bienveillant c'est veiller au bien de soi et de l’enfant à court et à long terme. Pour cela, mettre des limites, un cadre, est sécurisant et contenant. L'autorité bienveillante permet de passer d’une logique du tout ou rien à une logique du « pas-tout ». 

 

différences

Faire des différences

Chercher à être un parent parfait peut amener à ne pas vouloir faire de différence entre ses enfants. C'est un autre piège. Vouloir faire du même crée de la violence, car c'est nier les différence de l'enfant. Ainsi il ne s'agit pas d'être dans une logique égalitaire, mais dans une justice ajustée, équitable, avec du même et du différent (à chacun selon ses besoins). Ainsi, face à un problème de jalousie, il s'agit de faire plus de différence entre les enfants, ce qui les amènera à apprendre ainsi à faire avec la différence : ils se sentiront alors respectés en tant que sujet. Il est également aidant de donner plus de responsabilité à l'ainé, et ainsi de marquer une différence.

 

Entre autres sources : Philippe Scialom (2006) : piège à parents